DÉCLARATION DU FORUM INTERNATIONAL – Pour la défense mondiale de la dignité et du bien-être des enfants et adolescents travailleurs

Nous, enfants et les adolescents travailleurs organisés, personnes reconnues dans le milieu académique et des organisations sociales des quatre continents, nous réunissons dans la ville de La Paz, Bolivie, en ces jours du 16 au 18 octobre, lors du Forum International « Politiques publiques de l’enfance et de l’adolescence au travail : Perspectives et expériences actives depuis les pays du Sud », pour réfléchir sur les pratiques, les objectifs et les défis de la protection, de la défense et de la promotion des droits des enfants travailleurs.

Nous vivons dans un monde qui reste dominé par des puissances qui dévaluent, pillent, détruisent, subordonnent, asservissent et martyrisent « la madre tierra » (notre terre mère) et toute l’humanité qui palpite avec elle. Face à ce système d’exploitation brutale, il est offensant d’utiliser le terme « travail décent » comme l’aspiration de millions de personnes privées de leurs droits chaque jour et méprisées dans leur dignité. Un modèle économique sans augmentation des possibilités d’emploi et de travail est encore utilisé au privilège de certains et au détriment des majorités.

Le discours sur le travail des enfants promu par l’Organisation Internationale du Travail crée un écran de fumée qui cache la réalité et la déshumanisation du système économique néolibéral et les logiques d’exploitation autorisées et encouragées par les États. La nouvelle vague d’esclavage, explicite ou implicite, qui sévit dans le monde entier n’a rien à voir avec le travail de millions d’enfants et d’adolescents travailleurs, mais avec la logique du capitalisme mondialisé qui continue de profiter de leur propre butin et de l’appauvrissement qu’il génère, afin de soumettre les gens à n’importe quelles conditions, avec de telles possibilités d’emploi minimales qu’elles permettent tout juste de ne pas mourir de faim.

La somme des échecs des politiques d’éradication du travail des enfants et la présence de nombreuses pratiques de criminalisation de la pauvreté, des enfants et adolescents travailleurs, et de leurs familles, vont au-delà de l’institutionnalisation juridique de l’OIT : elles reviennent à mettre l’enfance comme sujet privé et non comme un sujet public qui devrait être pris en charge par l’État. Cette réalité oblige l’OIT, sur le plan éthique et politique, à d’ouvrir des espaces pour la protection des droits des enfants travailleurs, indépendamment de l’âge minimum.

Sans une réflexion critique ni une révision des paradigmes, l’OIT s’obstine à jouer avec la vie de millions d’enfants et d’adolescents travailleurs, faisant la sourde oreille à leurs demandes de politiques publiques qui protègent leurs droits. Il convient de mentionner que ses représentants, bien qu’ils aient été formellement invités à participer à ce Forum, ont, encore une fois, refusé d’écouter les voix des enfants travailleurs organisés. Ceci s’ajoute aux signes de mépris que cet organisme international fait de manière répétée, soulignant qu’en 2025 toutes les formes de travail des enfants seront éliminées. Selon les propres chiffres de l’OIT dans son rapport « Estimations mondiales du travail des enfants. Résultats et tendances 2012-2016 », nous aurons encore d’ici 2025 121 millions d’enfants en situation de travail, faisant de leur stratégie un échec annoncé. Cela signifie que nous aurons encore plusieurs générations de filles et de garçons travailleurs tout au long de ce siècle. Que ferons-nous avec eux ? Que fera l’OIT ? L’Organisation continuera-t-elle à leur refuser toute forme de reconnaissance sociale ? Continuera-t-il à les condamner à une invisibilité sociale ?

Face à ces postures sourdes, entêtées et dogmatiques, nous reconnaissons le compromis de l’État plurinational bolivien qui, défendant sa souveraineté, a résisté à toutes les pressions internationales en adoptant le Code des filles, garçons et adolescent(e)s (Loi N° 548). Ce Code réglemente le Droit à la protection des enfants et adolescents au travail, priorisant la protection sur la prohibition du travail des filles et des garçons. Cependant, nous considérons qu’il y a des défis importants pour sa mise en œuvre, notamment : a) Augmenter et approfondir la capacité d’agir des « defensorías » (services municipaux de défense des enfants et adolescents) afin de protéger les droits de l’enfant sans limiter son rôle d’octroi de permis de travail ; b) Créer et renforcer les espaces de participation protagoniste des enfants et adolescents travailleurs au sein des Comités de l’Enfance et de l’Adolescence ; et c) Renforcer la capacité des services municipaux pour la mise en œuvre adéquate du Code.

Vis-à-vis de la « IVe Conférence Mondiale sur l’Elimination durable du Travail des Enfants » qui sera célébrée du 14 au 16 novembre à Buenos Aires en Argentine, nous dénonçons, à nouveau, le fait que l’OIT ait refusé d’ouvrir des espaces afin de pouvoir écouter les « NNATs » (enfants et adolescents travailleurs organisés), violant ainsi les droits civils et politiques ainsi que la participation telle qu’établit dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (Nations Unies, 1989).

Les limites évidentes, ainsi que les échecs des politiques publiques actuelles en relation aux enfants et adolescents travailleurs, ont déjà produit trop de souffrance et ont porté trop atteinte aux droits de l’enfant. Nous considérons qu’il est temps de modifier radicalement ces politiques, à partir des perspectives et expériences protagonistes des enfants travailleurs, afin de construire un projet futur différent.

Les mouvements d’enfants et adolescents travailleurs, les organisations et les personnes qui nous accompagnent, nous nous joignons dans la défense des mouvements sociaux et des peuples qui dans ce monde, défendent la dignité, le bien-être et les droits humains.

La Paz, le 18 octobre 2017