La réalité complexe des enfants et des jeunes travailleurs en Afrique: un affrontement entre la loi et la réalité

En mars de cette année, Silvia Trisolino, secrétaire de BelgicaNNats, a eu la chance de rencontrer les représentants du MAEJT (Mouvement Africaine des Enfants et Jeunes Travailleurs) qui est basé à Dakar dans les bureaux de l'ONG Enda Tiers Monde. Elle a aussi visité les ateliers de couture et de formation des filles qui travaillent à Thiès. Cette rencontre a été un point de départ important windows10explained pour une meilleure compréhension réciproque et pour un échange de vues et d'actions dans les pays respectifs. Mais avant tout, il a marqué le début d'une phase de coopération et de soutien entre les mouvements des EJT en Afrique et BelgicaNNats.

« Connaître personnellement Aimé Bada et l'équipe du support de mouvement EJT a été une expérience très importante pour notre chemin actuel et surtout pour notre rêve de créer un réseau international efficace et capable de faciliter l'échange d'expérience entre les continents et d'unir les différentes stratégies politiques.

Le MAEJT a été fondée en 1994. Il est reconnu par 27 pays d'Afrique et il représente un niveau continental tous les mouvements des enfants travailleur organisés dans les pays suivants: Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centre Afrique, Côte d’Ivoire, Ethiopie, Ghana, Gambie, Guinée Bissau, Guinée, Kenya, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouganda, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Tchad, Tanzanie, Togo et Zimbabwe.

Dans tous les pays, il y a nombreuses associations et mouvements qui s’identifient dans différents comités liés à la ville ou au type d'emploi: association des enfants qui travaillent à la gare, au marché, artisans ou agriculteurs, etc ...

Les jeunes qui appartiennent à ces mouvements, n’ont normalement pas financièrement la possibilité de se former et travailler à un âge précoce est la seule solution pour soutenir sa famille.

Normalement, leurs activités économiques sont:

  • serveuses de gargotes, filles domestiques;

  • des apprentis: couture, menuiserie, soudure, mécanique;

  • des travailleurs indépendants: porteurs de bagages, cireurs, vendeurs ambulants;

  • des agriculteurs et autres: jardiniers, éleveurs, pêcheurs, des filles sans emploi qui aident à la maison, des élèves aussi qui concilient études et travail.

Dans chaque pays, une rencontre annuel (au minimum) est organisée: c'est un moment de partage entre les associations des différents villes / régions.

Jusqu’en 2013, le MAEJT organisait un grande rencontre régionale avec tous les représentants des pays africains. En 2016, la rencontre n'a été pas organisée dû au manque de fonds pour mobilier les 200 participants. Probablement que la rencontre n'aura pas lieu en 2017, pour les mêmes raisons.

Les actions du MAEJT sont réparties sur trois niveaux :

  • Au niveau régional, ils se concentrent sur la production d’études et d’analyses des expériences, la récolte de documentation, la Windows 10 Professional OEM Key participation aux grands événements et aux conférences et les activités d’échange avec le but de renforcer le réseau.

  • Au niveau national, ils organisent des « ateliers pédagogiques » techniques et méthodologiques sur différents sujets tels que la préparation du projet, la communication, la résolution de problèmes et l'amélioration des compétences d'écoute.

  • Finalement, en regardant les mouvements au niveau local, le MAEJT soutient chaque pays avec des fonds annuels qui sont utilisés pour la formation en fonction des besoins indiqués par les comités locaux : ateliers de couture, transformation des fruits, sérigraphie, travail du bois et autres métiers.

En parallèle, ils financent souvent des cours d'alphabétisation et de lecture.

Maintenant, on commence à traiter les problèmes, les objectifs et les défis que l'équipe d'Enda doit faire face chaque jour.

Pour mieux les comprendre, il est nécessaire d'être conscients que les caractéristiques des mouvements des EJT en Afrique sont uniques et qu'ils sont pas comparables aux mouvements de NNATs dans les autres pays.

Problématique juridique et sensibilisation des Communautés

Dans un pays comme le Sénégal, les enfants sont protégés par la loi et par les conventions internationales qui sont été signées, mais ces lois ne sont pas toujours respectées. Bien que des comités de protection existent, leur pouvoir est limité. Enda TM a choisi de travailler en parallèle avec la société civile: la sensibilisation de la population a favorisé une pression du bas vers l’État et elle a amené à des résultats positifs. En effet, la participation et la coopération de la communauté pour les questions liées aux enfants sont fondamentales: car, souvent, il est beaucoup plus facile de résoudre des cas de violence avec des «résolution à l’amiables» plutôt que de faire appel à la loi (qui souvent se révèle être seulement un obstacle, elle ne conduit à aucun résultat). Aussi, dans certaines communautés les plus réticentes, parler de droits et de protections des enfants est un premier pas sur le chemin de sensibilisation de la société civile. Car c'est un thème qui touche l’intérêt de toutes les familles. Cependant, sur la thématique de l’éducation, nous retrouvons des désaccords liés au contexte culturel des différents groupes ethniques.

Les contrats de travail

L'absence presque totale de contrats de travail reste un grand obstacle qui souvent empêche que les droits des jeunes travailleurs soient respectés. Pour cette raison, certains États comme le Sénégal ont mis en place des fonds pour des parcours de formations officielles pour les jeunes avec des diplômes reconnus. Si la qualification est reconnue, il serait possible d'aspirer à un salaire et un horaire de travail plus juste.

L’accès à la santé (ou couverture en cas d'accident) n'est pas un droit réel. Souvent, le patron garantit les premiers secours au centre de santé le plus proche mais si la maladie est plus longue, les frais sont en charge du malade. La couverture médicale est encore un lointain mirage.

Il y a quelques années, le MAEJT a travaillé ensemble avec l’OIT dans le cadre d'un programme qui finance la sensibilisation et la formation aux enfants sur les dangers de certains types de travail (comme la forge).

En considérant que la majorité de contrats de travail sont informels, le MAEJT est en train de proposer un contrat de travail « à l’amiable » entre le jeune qui travailel et son patron. Ces contrats sont informels mais sont très utiles aux défenseurs des droits des enfants afin de trouver des accords «à l’amiable» dans le cas où l’enfant ne reçoit pas son salaire juste ou si ses droits ne sont pas respectés.

L’âge minimum au Sénégal

Selon la loi, « l’âge d’admission au travail est fixé à 15 ans révolus ». Cet âge peut être ramené à 12 ans pour les travaux légers exercés dans le cadre familial et qui ne portent atteinte à la santé à la moralité et au déroulement normal de la scolarité de l’enfant »

En considérant que au Sénégal (et en Afrique en général) souvent la loi est considérée « très loin de la réalité », ce loi est telle seulement sur la carte. Personne ne se pose la question si ce type de loi peut être un obstacle dans le cadre de la protection juridique de l'enfant.

Les récentes luttes des mouvements en Amérique latine ne sembleraient pas avoir un terrain fertile en Afrique.

Les inspecteurs du travail

L’État sénégalaise engage des inspecteurs du travail pour lutter contre le travail noir et garantir des standards de travail. En pratique, l’état interdit officiellement aux enfants qui ont moins de 12 ans de travailler et d'aller à l’école ; de toute façon, selon la pensée commune que « la loi est loin de la réalité », leur rôle se réduit à « négocier » les droits des enfants pour chercher à les protéger avec les moyens disponibles. Par exemple, ils peuvent « négocier » avec le patron ou les entreprises de mines d'or où des enfants de moins de 15 ans travaillent. Quand l’inspecteur arrive, les enfants sont alors cachés. Le rôle de l'inspecteur est de « négocier » avec l'employer pour que le salaire minimum et l’horaire de travail soient respectés. Normalement, l'accord « à l’amiable » fonctionne plus que la force.

De cette manière, le but de la loi est réduit à « sensibiliser » : par exemple, en Cote d’Ivoire ; il existe une loi qui oblige tous les enfants à aller à l’école. Clairement, c'est un objectif impossible à atteindre dans l’immédiat, mais on constate une petite amélioration au niveau du taux d’alphabétisation.

L’État ne force pas la situation parce qu’il est aussi conscient que la loi est trop éloignée de la réalité. Ceci est un problème que nous constatons dans toutes les anciennes colonies, qui souvent gardent la constitution des pays colonisateurs. Il apparait également un problème de traduction des lois (qui existent seulement en français) dans les langues locales, car certains mots ne sont pas traduisibles ou ne correspondent pas à la réalité : c'est le cas du mot « traite » et « exploration ». La traite n'a pas de traduction et l’exploration est plutôt morale.

Visite au Comité de jeunes filles à Thies

Après mon séjour à Dakar, j'ai visité le bureau d’Enda à Thiès, qui met à disposition deux locaux pour le mouvement EJT. La première salle est dédiée aux formations informatique (avec 5/& PC à disposition des jeunes) et des autres formations comme celle sur la santé sexuelle et reproductive.

L'autre salle est occupée par l'atelier de couture qui a été mis en place en janvier de cette année. La production de l'atelier de couture est encore limitée et les produits (drap, nappe et sac) sont vendus par les filles dans leur quartier d’appartenance.

Sous le toit, ils sont en train de faire un micro-jardin potager bio qui sera la base d’une formation pour cultiver légumes et fruits bio.

En conclusion, cette rencontre a donné lieu à de nouveaux types de réflexions liées à la réalité des mouvements africains, à leurs problèmes et aux mesures à prendre:

  • Il faut investir dans l'éducation et dans les programmes qui financent les diplômes professionnels reconnus, qui, dès lors qu’ils sont joints à des contrats de travail (même informels), peuvent ouvrir une voie d’accords à l’amiable reconnus par la communauté entre l'employeur et l'employé

  • Contrairement aux autres pays, la loi n’est considérée ni comme une limite, ni comme un instrument de protection des jeunes travailleurs qui ont moins de 15 ans. La constitution est considérée comme un héritage colonial que nous devons « négocier », mais qui n'est pas contraignante. Et les conventions internationales sont encore plus éloignées.

  • En conséquence des arguments ci-dessus, le travail de sensibilisation de la société civile et des communautés, reste actuellement un des moyens les plus efficaces pour introduire le sujet de la protection des enfants dans la société.

  • Compte tenu de la situation économique difficile de nombreux pays d'Afrique (en particulier de l'Afrique de l'Ouest, considéré comme la région la plus pauvre de la planète), les objectifs internationaux liés à la réduction de la pauvreté et l'éradication du travail des enfants semblent être beaucoup plus éloignés que dans autres pays. En raison de cette situation et aussi à cause de la persistance des conflits internes, la menace de l'exploitation augmente et la recherche de mesures de protection concrètes liées aux différents contextes sociaux et culturels complexes, sont tout à fait urgent. »

Silvia Trisolino