RECLAMATION DEVANT LE COMITE DES DROITS DE L’ENFANT

Asunción, Paraguay, 11 novembre 2017 Les enfants et adolescents travailleurs organisés dans le Mouvement Latino-Américain et Caribéen des Enfants et Adolescents Travailleurs, dans l'exercice de notre droit d'exprimer une opinion (article 12), nous vous adressons cette plainte écrite. Nous espérons être entendus et que nos avis seront dûment pris en compte. Conformément à l'article 12 de la Convention Internationale sur les Droits de l'Enfant, nous avons demandé à participer à la IVe Conférence mondiale sur l'élimination durable du travail des enfants, qui se tiendra à Buenos Aires (Argentine) du 14 au 16 novembre prochain. Non seulement ils nous ont refusé la participation, aux enfants et aux adolescents organisés, mais aussi à toute personne âgée de moins de 18 ans "pour des raisons de sécurité". Sans bien comprendre les raisons d'une telle violation de nos droits, nous nous demandons : veulent-ils nous protéger ou veulent-ils se protéger de nous? Ils ne veulent pas entendre ce qu'on a à dire? Il nous semble grave que les personnes dont ils vont parler (nous les enfants) devraient être interdites d'entrer, car il ne s'agit pas seulement d'une violation de l'article 12, mais aussi d'une violation de l'article 2, car nous ne pouvons pas éviter de nous sentir discriminés: nous sommes empêchés d'entrer uniquement et exclusivement en raison de notre âge. Ayant été empêchés d'exprimer un avis lors de cette conférence, nous voudrions vous faire part, chers membres du Comité de l'Organisation des Nations Unies sur la Convention relative aux droits de l'enfant, de ce que nous aurions aimé y dire, confiants que vous apprécierez et tiendrez compte de notre parole : L'Organisation internationale du travail, en fixant des âges minimums d'admission à "l'emploi ou au travail", viole l'article 32 de la CDE, qui n'interdit généralement pas notre travail, mais consacre le droit d'être protégé contre l'exploitation économique dans toutes les activités qui peuvent nuire à notre éducation, à notre santé ou à notre développement physique, mental, spirituel, moral ou social. Le fait que nous ayons le droit d'être protégés contre ces activités économiques qui peuvent nous nuire signifie qu'il y a des formes de travail qui ne sont pas égales à l'exploitation. Cependant, l'OIT, en violant ce droit, impose une interdiction globale de toutes les formes de travail pour la simple raison qu'elles ne sont pas d'un "âge minimum". Nous croyons qu'il est nécessaire, quel que soit notre âge, de faire une distinction précise entre l'exploitation économique et le travail en tant qu'activité qui produit des biens et services vitaux pour nous, nos familles et la société. Nous luttons avec nos organisations contre toutes les formes d'exploitation, de violence et d'abus, mais nous croyons que les interdictions générales ne sont pas conçues pour nous protéger de tous ces maux. Nous espérons plutôt être soutenus par des mesures positives dans cette lutte et par nos efforts pour aider nos familles ainsi que pour étudier et jouer. La Convention 138 de l'OIT, qui fixe l'âge minimum d'admission à tout emploi ou travail, 1) rend illégales les milliers et les milliers d'enfants et d'adolescents qui travaillent dans le monde; 2) oblige les États à mettre en œuvre des mesures répressives, persécutrices et discriminatoires contre nous; et 3) oriente les politiques vers notre éradication, aucune institution gouvernementale ne nous protège. Nous pouvons vous offrir beaucoup d'expériences sur ces conséquences négatives et néfastes pour notre vie et celle de nos familles. La manière dont l'OIT définit le travail des enfants ne nous semble pas appropriée, car elle assimile l'exploitation à un travail digne, ne permettant pas une analyse différenciée entre l'abus de nous-mêmes et le travail que nous faisons pour contribuer aux moyens d'existence de nos familles. Ainsi, les articles 6 et 27 de la CDE ne sont pas respectés. Beaucoup d’entre nous appartenons à des communautés indigènes dans les territoires du Mexique, de l'Equateur, du Pérou, de la Bolivie, du Paraguay (entre autres). Dans nos communautés, le travail dès le plus jeune âge est notre façon de nous connecter avec nos aînés et d'apprendre à nous défendre. Les emplois que nous exerçons n'ont rien à voir avec l'exploitation: ce sont des activités économiques communautaires. L'interdiction que l'OIT nous impose porte atteinte à notre droit (en particulier aux enfants et aux adolescents d'origine indigène) à avoir notre propre vie culturelle. Si, selon le jugement d'un enfant ou d'un adolescent, travailler ensemble avec sa famille pour "avancer" dans la solidarité est plus digne que de voir sa mère, son père et/ou ses adultes de référence se sacrifier pour lui ou elle sans leur collaboration, nous nous demandons: n'est-il pas contraire à notre intérêt supérieur de nous interdire d'assumer ce lieu d'engagement citoyen et humain? N'est-ce pas une injustice que nous ayons le droit d'avoir notre mot à dire, d'être entendus et de participer aux décisions qui nous touchent, mais que nous ne puissions pas choisir si nous voulons travailler; que nous ne pouvons pas faire connaître notre point de vue aux institutions qui sont censées travailler pour assurer le respect de la CDE; et que nous ne soyons pas pris en compte dans l'élaboration de politiques publiques qui protégeront et favoriseront nos droits? Nous espérons que le Comité entendra notre plainte. Notre confiance en l'humanité nous porte à croire qu'ils nous entendront, qu'ils nous considéreront comme des interlocuteurs valables, qu'ils prendront au sérieux nos paroles et nos sentiments. Nous attendons avec grand intérêt votre réponse, en espérant qu'elle nous permettra d'avancer vers des horizons de dignité. SECRÉTARIAT DU MOUVEMENT LATINO-AMÉRICAIN ET CARIBÉEN DES ENFANTS ET ADOLESCENTS TRAVAILLEURS (MOLACNATS).